publicité
Facebook Facebook Facebook Partager

Nutrition

Publié le 07 sep 2023Lecture 6 min

Troubles du comportement alimentaire : une contre-indication à la chirurgie bariatrique qui peut être temporaire

Laura BOURGAULT, Nantes

Les troubles du comportement alimentaire (TCA) sévères non stabilisés constituent une contre-indication à la chirurgie bariatrique. Pris en charge sur le plan psychiatrique, les patients concernés peuvent sortir de cette spirale, oscillant le plus souvent entre anorexie, boulimie et hyperphagie. L’objectif : bénéficier de la chirurgie bariatrique afin d’enclencher une perte de poids suffisamment importante pour diminuer significativement le risque de comorbidités. Avec un point de vigilance du psychiatre porté sur le suivi en post-chirurgie, sur le long terme, pour éviter une récidive du TCA.

Claire Buis, psychiatre au CHU Grenoble-Alpes, a rappelé en introduction les critères d’éligibilité à la chirurgie bariatrique : avoir un IMC > 40 kg/m², ou > 35 kg/m² associé à une ou plusieurs complications (diabète de type 2, HTA, syndrome d’apnée-hypopnée obstructive du sommeil), tout en soulignant que souffrir dans le même temps de troubles du comportement alimentaire (TCA) sévères non stabilisés, s’avère être une véritable « contre-indication à la chirurgie bariatrique ». Face à ce profil, les endocrinologues, les chirurgiens bariatriques, les nutritionnistes, les psychologues et les psychiatres orientent le patient vers une prise en charge pour aider le patient à se sortir de cette vulnérabilité. Et bénéficier un jour de cette chirurgie. Le suivi en psychiatrie peut aussi intervenir après la chirurgie, quand les TCA surviennent après l’intervention. « La plupart des patients que je reçois dans mon cabinet viennent parce qu’ils présentent spécifiquement ce type de complications psychiatriques, les TCA, plusieurs mois après la chirurgie », décrit le Dr Buis. Qu’il y ait des antécédents ou pas. « L’anorexie mentale notamment, peut survenir en association avec une dépression post-chirurgicale. » Comment l’expliquer ? Entrent précisément en ligne de compte l’impact d’une perte de poids importante et accélérée, d’habitudes nutritionnelles complètement modifiées et d’un rapport au corps transformé sinon perturbé. « Certains patients disent qu’intellectuellement et visiblement, dans le miroir comme dans leur pantalon de plus petite taille, ils savent qu’ils ont perdu du poids. Mais ils se sentent toujours la même personne obèse, surtout quand l’excès de peau restant en post-chirurgie les empêchent de ressentir les bénéfices de la chirurgie ». Malgré la perte de poids, « ils ont du mal à se trouver beaux ».   Repérer les comorbidités psychiatriques et l’origine du TCA « Pour les patients souffrant déjà d’une obésité importante, l’intérêt d’avoir un suivi psychiatrique va être de pouvoir déterminer les autres pathologies psychiatriques dont souffrent souvent les patients, comme des symptômes dépressifs, un trouble anxieux, des antécédents de traumatismes sexuels, des épisodes de violence, que le patient n’a pas toujours identifiées avant d’arriver en consultation », témoigne le Dr Buis. « Quand c’est le cas, ils ne font pas forcément le lien entre leur TCA, leur état émotionnel et la prise alimentaire, surtout quand le TCA est ancien. » En diagnostiquant toutes les comorbidités associées au TCA, « le psychiatre repère les origines possibles de l’obésité. Il va déceler si le TCA est à l’origine de l’obésité ou pas, sachant que tous les patients obèses ne présentent pas automatiquement un TCA ». De la même manière « qu’un patient souffrant de TCA n’est pas forcément en situation d’obésité ». Que disent les études à ce sujet ? « Peu de publications sont référencées sur cette question, mais on estime qu’entre un quart et la moitié des patients qui consultent pour leur obésité présenteraient un TCA », atteste le Dr Buis. Une fois l’origine ciblée, l’enjeu « est d’aider les patients à mieux comprendre leur fonctionnement. Le psychiatre va amener le patient sur les motifs déclencheurs des accès hyperphagiques, pour améliorer l’obésité, en prenant également en charge des traits de personnalité favorisant les troubles alimentaires comme l’impulsivité, le manque d’estime de soi, de confiance en soi ». Ce cheminement du patient dans son histoire peut également être assuré « par un psychologue. Là où le psychiatre aura, si nécessaire, la possibilité de prescrire un traitement médicamenteux dans la prise en charge des comorbidités psychiatriques ».   « Passer d’un TCA à un autre » « Lorsque l’obésité du patient provient d’un TCA, il s’agit le plus fréquemment d’une hyperphagie-boulimie. Pour le psychiatre, il va être important de rechercher si le patient souffrant d’hyperphagie-boulimie n’a pas anciennement souffert d’anorexie mentale. » Et ce pour éviter une possible rechute post-opératoire. Point capital sachant que « selon nos estimations, 10% patients hyperphages et boulimiques présentent un risque de retomber dans ce trouble deux ans après la chirurgie bariatrique », souligne le Dr Buis. « Un patient ayant des antécédents d’anorexie mentale présente par ailleurs un sur-risque de retourner dans cette phase de privation du fait de la perte de poids rapide et importante après l’intervention. » Des points de complexité vont donc pouvoir survenir dans la prise en charge, concernant en particulier l’évolution du TCA dans ses différentes phases. « Dans le cadre des TCA, il est assez fréquent qu’au cours de sa vie un patient passe d’un TCA à un autre. » Durant ces périodes qui se comptent souvent en années, le patient alterne entre « restriction intense et compulsions alimentaires avec puis sans vomissements, entraînant dans ce dernier cas une reprise de poids puis en conséquence une seconde phase de restriction intense ».   Diminuer l’empreinte émotionnelle de l’alimentation Le psychiatre va aider le patient à se sortir de sa relation émotionnelle avec l’alimentation. Laquelle se traduit par un lien direct entre « nourriture et situations d’ennui, de tristesse, d’émotions fortes », traduit le Dr Buis. L’objectif est de « les amener à trouver d’autres outils pour répondre à leur mal-être, pour réguler leurs émotions, comme la relaxation, l’activité physique, la musique. S’ils trouvent de nouveaux piliers, et qu’ils ne présentent plus d’accès alimentaires, c’est un point qui peut nous faire dire qu’ils sont capables de gérer leur trouble alimentaire ». Mais tout n’est pas toujours transparent dans ce qu’un patient narre de sa maladie et de son quotidien en consultation. « Ce qui n’est pas toujours facile à percevoir, parce que les patients ne le disent pas toujours, c’est la place que prend en eux la mésestime corporelle. Le fait que pour eux l’estime qu’ils ont d’eux-mêmes est souvent liée à leur poids, à l’image qu’ils ont d’eux-mêmes. » À l’image que le regard des autres leur renvoie dans une société dans laquelle la minceur se pose comme norme de la beauté. Après la chirurgie bariatrique, « beaucoup ont l’impression qu’ils vont devenir des personnes meilleures. Or si les patients continuent d’axer leur valeur personnelle par rapport à leur silhouette, il existe un risque d’échec après la chirurgie et cela est difficile à évaluer ». Quelle approche privilégier dans ce cas ? « Ne pas interdire la chirurgie bariatrique par précaution, mais l’autoriser et surveiller ce point de près au cours des consultations qui suivront l’intervention. » L’équipe pluridisciplinaire gravitant autour du patient obèse devra par ailleurs se référer « au psychiatre en cas de doute sur un TCA ». Certains patients n’iront en effet pas consulter par eux-mêmes, « aller voir un psychiatre n’est pas toujours évident ». Ce recours en santé mentale va aussi venir aider « les patients pour qui perdre du poids va les désolidariser d’une famille à tendance obèse ». Malgré tous ces points inhérents à l’indication de la chirurgie bariatrique et à sa réussite, le suivi en psychiatrie relève de « la recommandation et non de l’obligation ».   Conclusions • Selon les estimations, 25 % à 50 % des patients suivis pour leur obésité présentent un TCA. • Lorsque l’obésité est associée à un TCA, il n’est pas possible de traiter un patient non stabilisé par la chirurgie bariatrique. • Les patients en situation d’obésité sont surexposés aux comorbidités psychiatriques que sont les symptômes dépressifs, les troubles anxieux, les antécédents de traumatismes sexuels. • En cas de rétablissement du TCA, stabilisé dans le temps, le patient souffrant d’obésité extrême va pouvoir bénéficier de la chirurgie bariatrique. • Repérer le passif psychiatrique du patient va augmenter les chances de réussite de la chirurgie bariatrique à moyen et long termes.

Attention, pour des raisons réglementaires ce site est réservé aux professionnels de santé.

pour voir la suite, inscrivez-vous gratuitement.

Si vous êtes déjà inscrit,
connectez vous :

Si vous n'êtes pas encore inscrit au site,
inscrivez-vous gratuitement :

Version PDF

Articles sur le même thème

Vidéo sur le même thème