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Cardiologie

Publié le 29 sep 2022Lecture 6 min

Les obésités sévères : un modèle de maladie chronique et complexe

Claire CARETTE, Service de nutrition, Hôpital européen Georges Pompidou, Centre Spécialisé Obésité Ile-de-France Sud, APHP, Université Paris Cité

L’obésité est reconnue depuis plus de 20 ans comme une maladie chronique mais, dans le regard de la société, elle tend à rester perçue de manière négative comme une maladie psycho-comportementale en rapport avec une « faiblesse de la volonté ». Pourtant il s’agit bien d’une maladie dans laquelle l’excès de masse grasse tend à se chroniciser et à résister aux traitements, faisant entrer les patients dans un cercle vicieux combinant altération du tissu adipeux, anomalies du comportement alimentaire et sédentarité(1). L’entrée dans la maladie est polymorphe, certaines obésités débutent très progressivement dès l’enfance, d’autres surviennent brutalement ou par paliers successifs. Les causes de l’obésité commencent à être bien connues ; elles impliquent des prédispositions génétiques, des anomalies endocriniennes, des causes environnementales, psycho-sociales ou psycho-traumatiques(2). Le microbiote intestinal ou l’environnement intra-utérin ont également été impliqués.

Face à cette pathologie, de nombreuses propositions, parfois commerciales, fleurissent, notamment en ce qui concerne les « régimes diététiques »(3). Il est bien établi que tous ces régimes quels qu’ils soient reposent sur une restriction calorique dans l’objectif d’induire une modification de la balance énergétique et une perte de poids. Aucun de ces régimes n’est supérieur à un autre en ce qui concerne la perte de poids qui est en général modeste et surtout difficile à maintenir à long terme pour les personnes avec une obésité sévère(4). Les régimes très restrictifs en termes de contenu énergétique permettent des résultats plus spectaculaires et rapides mais ils induisent des troubles du comportement alimentaire parfois sévères qui mettent en péril leur bénéfice à moyenne échéance. Finalement, le plus raisonnable semble de proposer un rééquilibrage alimentaire, adapté aux besoins énergétiques, en individualisant les conseils aux préférences alimentaires des patients, tout en limitant la restriction calorique pour qu’elle soit réelle mais non drastique(5). L’objectif est de perdre 5 à 10 % de son poids corporel sur une durée prolongée d’au moins 6 mois. Cette prise en charge a fait l’objet d’une très récente synthèse publiée par la HAS en juin 2022(6). L’activité physique est un des points clefs de la réussite de la prise en charge. En effet, si le rééquilibrage alimentaire permet une perte de poids, pour maintenir cette perte de poids à long terme l’activité physique est indispensable. L’activité physique permet d’augmenter la dépense énergétique au moment où elle est pratiquée mais aussi en dehors car elle va permettre d’augmenter la masse musculaire et donc la dépense énergétique de repos qui dépend très nettement de cette quantité de masse musculaire. L’activité physique est un terme utilisé à dessein, il ne s’agit pas de sport au sens strict mais de bouger autant que possible et de lutter contre la sédentarité qui n’a de cesse d’augmenter dans nos modes de vie. La lutte contre la sédentarité et l’inactivité physique doit être privilégiée. Les objectifs suivants d’activité physique doivent être atteints progressivement et adaptés aux capacités de la personne en situation d’obésité selon les dernières recommandations de la HAS(6) : – 150 à 300 minutes/semaine d’activité physique d’intensité modérée ou 75 à 150 minutes/semaine d’activité physique à dominante aérobie (endurance) d’intensité vigoureuse ou une combinaison équivalente d’activité physique d’intensité modérée et vigoureuse par semaine ; – au moins 2 jours/semaine de renforcement musculaire touchant l’ensemble des groupes musculaires ; – rompre régulièrement les périodes de sédentarité par du temps d’activité physique de faible intensité et diminuer les périodes de sédentarité. Ces recommandations d’activité physique sont également utiles pour prévenir les maladies chroniques : diabète, cancer, arthrose, etc. Les outils connectés comme par exemple les podomètres présents dans la plupart des smartphones sont utiles pour motiver les patients à atteindre 10 000 à 12 000 pas par jour comme le recommande l’OMS. Pour aider à la perte de poids, au-delà des modifications du mode de vie précédemment décrites, la grande nouveauté de ces deux dernières années concerne les thérapeutiques médicamenteuses qui peuvent être proposées dans les obésités sévères et complexes(7). En effet, en cas d’échec de la prise en charge nutritionnelle bien conduite (< 5 % de perte de poids à 6 mois), la HAS propose de débuter un traitement par analogue du GLP1 chez les patients avec IMC > 35 kg/m2(6). Il est proposé de le prescrire d’emblée chez les patients dont l’obésité compromet leur autonomie ou entraîne une altération sévère de la fonction d’un organe, et pour lesquels les changements du mode de vie sont limités. Depuis mars 2021, le liraglutide 3 mg/j (Saxenda®) a obtenu une autorisation de mise sur le marché dans l’indication « obésité » mais il n’est pas pris en charge par l’Assurance maladie, ce qui limite considérablement son utilisation. Le sémaglutide 2,4 mg (Wegovy®) est disponible en France depuis mars 2022 avec un remboursement en ATU de cohorte dans une population cible très particulière (cf. article dédié dans ce même numéro). Finalement, c’est la chirurgie bariatrique qui a le mieux démontré son efficacité à court et long terme pour les patients avec obésités sévères compliquées de comorbidités susceptibles d’être améliorées par la chirurgie. Les recommandations de la HAS concernant la chirurgie de l’obésité sont maintenant anciennes mais elle sont en train d’être révisées et elles devraient être publiées d’ici la fin de l’année 2022(8). Le bypass gastrique et la sleeve gastrectomie sont les interventions les plus pratiquées avec des bénéfices certains tant sur la perte de poids que sur la mortalité (cf. article dédié dans ce même numéro). Des alternatives à la chirurgie bariatrique sont depuis plusieurs années en cours de développement comme, par exemple, la sleeve endoscopique dont l’évaluation est en cours(9). Ces différentes propositions de chirurgie « mini-invasive » associées aux nouveaux médicaments vont potentiellement influencer très largement la prise en charge de l’obésité dans les années qui viennent (cf. article dédié dans le même numéro). Au-delà de ces différentes options thérapeutiques, la prise en charge psycho-comportementale est essentielle. Les troubles de l’humeur sont à rechercher, notamment la dépression, et à traiter en parallèle de la prise en charge. Les troubles du comportement alimentaires sont très fréquents, notamment l’hyperphagie boulimique (équivalent de boulimie mais sans conduite purgative c’est-à-dire sans vomissements ni prise de laxatifs par exemple) et répondent à des thérapies psychothérapeutiques comme les thérapies cognitivo-comportementales (TCC). La place de l’éducation thérapeutique est évidemment dans la prise en charge de l’obésité comme dans toute maladie chronique. Un des écueils de la prise en charge de l’obésité en France est que finalement seule la chirurgie bariatrique et les consultations médicales sont prises en charge par l’Assurance maladie. Les consultations diététiques, les consultations en activité physique adaptée, les consultations avec les psychologues et les médicaments actifs ne sont pas remboursés. Or, les différentes sociétés savantes ont bien mis en avant le fait que la modification du style de vie ne peut être obtenue qu’au prix d’un suivi régulier et fréquent par les diététiciens, les enseignants en activité physique adaptée, les médecins et les psychologues ou psychiatres(10). C’est ce mode de prise en charge active pluridisciplinaire qui tend à montrer une efficacité certaine. L’avenir se tourne vers les outils connectés et le suivi à distance qui seront probablement et sont déjà des partenaires indispensables de cette prise en charge mais dont le bénéfice scientifique et médico-économique devra être démontré. Publié dans Cardiologie Pratique

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