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Diabétologie

Publié le 19 avr 2021Lecture 13 min

Inactivité physique et sédentarité - Deux obstacles à la prise en charge des patients diabétiques de type 2

Bernard BAUDUCEAU*, Said BEKKA**, *Ancien chef du service d’endocrinologie, Hôpital Bégin, Saint-Mandé, **Institut de diabétologie et nutrition, Mainvilliers

Les mesures non médicamenteuses recommandées aux patients diabétiques sont celles, à quelques exceptions près, que l’ensemble de la population devrait observer. Malheureusement, la mise en place de ces mesures sur le long terme est difficile, si bien que leur efficacité est sous-estimée. Pourtant, une diététique adaptée et le renforcement de l’activité physique de manière individualisée et raisonnable constituent le préalable incontournable au traitement des patients diabétiques. Le but n’est pas que nos patients deviennent des sportifs de haut niveau, mais qu’ils modifient sans trop de difficultés leurs habitudes de vie au jour le jour de façon pérenne.

Quelques définitions L’activité physique correspond à tous les mouvements corporels produits par la contraction des muscles squelettiques entraînant une dépense énergétique supérieure à celle du repos. Elle regroupe les activités physiques liées à la vie quotidienne et professionnelle, aux transports (vélo, marche), aux loisirs (danse, jardinage, etc.) et au sport. La quantification de l’intensité de l’activité physique repose sur le « MET » (metabolic equivalent of task). Le MET se définit comme le rapport de la dépense de l’activité en cause sur celle liée au métabolisme de base. Plus l’intensité de l’activité est importante, plus le nombre de MET est élevé. L’échelle d’équivalence métabolique va de 0,9 MET (sommeil) à 18 MET (course à 17,5 km/h). Le temps minimal recommandé pour une activité physique modérée est de 30 minutes ou 10 000 pas pour un adulte et de 60 minutes ou 15 000 pas pour un enfant. L’inactivité physique se définit par des niveaux situés en dessous de ces chiffres. La sédentarité se caractérise par un état d’éveil associé à une dé - pense énergétique très faible. Son niveau journalier correspond au temps cumulé en position assise : ordinateur, télévision, tablette ou jeux vidéo. Le temps journalier de sédentarité devient délétère pour la santé quand il dépasse régulièrement 7 à 8 heures. Il est donc possible, sans que cela soit contradictoire, d’être à la fois actif et non sédentaire, ce qui est la meilleure situation, ou inactif et sédentaire, ce qui est la plus mauvaise. Cependant d’autres cas de figure sont possibles comme d’être actif et sédentaire ou inactif et non sédentaire. Pour la santé, et tout particulièrement pour les patients diabétiques, il est fortement recommandé d’être à la fois actif et non sédentaire. La pratique d’une activité physique ou sportive est influencée par différents facteurs, notamment l’âge et le sexe mais également par le niveau socio-économique. Les personnes les plus diplômées et disposant de meilleurs revenus ont une activité physique plus importante. Les conditions de vie familiale et le lieu de résidence conditionnant un accès plus facile à un environnement favorable à la pratique sportive sont des paramètres à prendre en compte. La France se situe parmi les plus mauvais élèves européens en matière d’activité physique, loin des Pays-Bas où près de 45 % de la population pratique régulièrement une activité physique. Cette situation tend par ailleurs à se dégrader régulièrement au fil des décennies. Existe-t-il des différences entre hommes et femmes présentant un diabète ? De nombreuses études ont exploré les relations bipartites entre le diabète, le genre et l’activité physique mais très peu de travaux se sont intéressés à l’association de ces trois paramètres. Ce fait est regrettable puisque le nombre de femmes ne pratiquant pas d’activité physique dépasse celui des hommes et que seules 25 % d’entre elles sont physiquement actives. Ce fait ne peut que favoriser l’apparition ou l’aggravation du diabète et des maladies métaboliques. Enfin, l’obésité, et tout particulièrement celle qui touche la population féminine, favorise la sédentarité qui en retour aggrave la prise de poids. La sédentarité, cause de l’épidémie du diabète ? Chacun connaît les projections régulièrement revues à la hausse de l’épidémie de diabète de type 2 qui sont publiées par l’International Diabetes Federation (IDF). La modification de l’alimentation et la progression de la sédentarité constituent les deux facteurs explicatifs les plus souvent avancés pour rendre compte de l’épidémie d’obésité qui se situe aux avant-gardes de celle du diabète de type 2. Cependant, une étude anglaise menée dans les années 1990, semblait montrer que l’obésité n’était pas liée à l’augmentation des apports énergétiques mais plutôt à la sédentarité et à l’inactivité physique. Prévenir l’apparition du diabète par les mesures non médicamenteuses Trois grandes études publiées au début du siècle ont montré le rôle favorable des mesures non médicamenteuses par rapport à la metformine ou au placebo sur la prévention du diabète chez des patients intolérants au glucose(1-3). En particulier, le Diabetes Prevention Program Research Group (DPP) a montré, chez 3 224 sujets intolérants au glucose dont 68 % de femmes, que la pratique régulière d’une activité physique et le suivi d’une diététique appropriée permettaient de diminuer l’incidence du diabète de 58 % par rapport au placebo alors que la metformine ne parvenait qu’au chiffre de 31 %. Ces résultats favorables ont été analysés dans l’étude de suivi qui a porté sur 88 % des sujets de la cohorte initiale. Les modifications du mode de vie ont été proposées aux trois groupes initiaux pendant une durée de 10 ans. Dans le groupe initialement randomisé pour une modification du mode de vie, la perte de poids initiale de 7 kg s’est par la suite stabilisée à 2 kg tandis que l’incidence du diabète est restée inférieure à 34 % par rapport au groupe placebo. Dans le groupe recevant initialement de la metformine, la perte de poids a été de 2,5 kg et la diminution de l’incidence du diabète de 18 %(4). Ainsi, à long terme, les résultats favorables des mesures non médicamenteuses persistent bien qu’elles soient moins spectaculaires que lors de la première partie de l’étude. Bénéfices de l’activité physique chez les patients diabétiques Les mesures hygiéno-diététiques présentent toutes les qualités demandées pour la prise en charge thérapeutique du diabète. En effet, ce traitement non médicamenteux permet de prévenir l’apparition du diabète, d’être efficace sur l’équilibre glycémique sans prise de poids et d’avoir une action sur les glycémies postprandiales sans entraîner d’hypoglycémie. Ces mesures peuvent être associées aux autres traitements, n’ont pas d’effets secondaires néfastes, permettent une prévention cardiovasculaire et sont peu coûteuses. L’activité physique intervient tout particulièrement sur l’insulinorésistance musculaire en raison de la mise en oeuvre de voies d’activation des transporteurs de glucose GLUT-4 différentes de celles de l’insuline. Ainsi, le glucose peut être utilisé par les muscles, même chez les patients diabétiques de type 2 très insulinorésistants. L’activité physique intervient également sur le tissu adipeux en diminuant la masse grasse et en augmentant la lipolyse sous forme d’acides gras circulants, carburant indispensable aux efforts prolongés. L’institution Cochrane s’est attachée en 2009 à l’évaluation des résultats de l’activité physique au cours du diabète de type 2 en sélectionnant 14 essais randomisés comparant une activité en aérobie bien documentée à l’absence d’activité. Les résultats montrent que l’activité physique permet une réduction de 0,6 % de l’HbA1c, sans modification de la glycémie à jeun ni de l’IMC mais avec une diminution de la masse grasse et une majoration de la réponse insulinique(5). Cette action hypoglycémiante peut être visualisée par le patient par la réalisation d’une glycémie capillaire après un effort en endurance, ce qui facilite son adhésion. L’étude Look AHEAD a évalué les effets sur le plan cardiovasculaire d’une amélioration intensifiée du mode de vie chez plus de 5 000 patients obèses et diabétiques de type 2. Dans le groupe intensif, l’objectif consistait en une perte de 7 % du poids initial à 1 an qui devait être maintenu par la suite. Pour parvenir à ce résultat pondéral, la ration calorique variait entre 1 200 et 1 800 kcal/j, avec moins de 30 % des apports provenant des lipides, associés à plus de 175 minutes d’activité physique par semaine. Dans le groupe intensifié, l’activité physique a augmenté de 20,4 % à 1 an et est restée plus élevée à 4 ans (+5,4 %) alors qu’une baisse de 1,1 % était notée dans le groupe standard. Dans le groupe intensif, la perte de poids a été maximale au bout de 1 an (-8,6 %) mais elle s’est estompée progressivement. Alors que la prescription d’antidiabétiques oraux, d’insuline et d’antihypertenseurs était significativement réduite dans le groupe intensif, une plus forte proportion de ces patients avait atteint les objectifs d’HbA1c en dessous de 7 %(6). Ces résultats ont été confirmés dans un travail regroupant 5 études d’intervention portant sur 864 patients diabétiques(7). Ainsi, l’étude Look AHEAD démontre le bénéfice d’une intervention agressive portant sur les facteurs hygiéno-diététiques permettant à la fois une perte de poids et une amélioration de l’équilibre glycémique. Néanmoins, les résultats ont tendance à s’estomper dans le temps, ce qui réaffirme l’importance du suivi de ces mesures dans le temps. Cas particulier de la femme enceinte et du diabète gestationnel La pratique d’une activité physique est recommandée avant ou dès le début de la grossesse chez les femmes présentant des facteurs de risque ou un diabète. En cas de diabète gestationnel et en l’absence de contre-indications médicales ou obstétricales, une activité physique 3 à 4 fois par semaine sur des durées courtes, de faible intensité au début, est vivement recommandée sous la forme de marche, de natation, de vélo d’appartement ou de gymnastique douce. En revanche, il convient d’éviter les activités comportant un risque de chute, exposant à des traumatismes ou nécessitant des déplacements brusques. Enfin, la plongée et les activités dangereuses en altitude doivent être proscrites(8). Limites et freins de l’activité physique Aux obstacles observés dans la mise en place de l’activité physique pour l’ensemble de la population représentés par le manque de temps, les raisons familiales et les problèmes rhumatologiques, s’ajoutent chez les patients diabétiques la peur des hypoglycémies ou d’augmenter la pression artérielle et surtout les problèmes physiques ou psychologiques liés à l’obésité. Pour pallier les difficultés de ces patients, l’action doit se porter sur les facteurs de motivation. Ainsi, le fait de se sentir mieux, de lutter contre le vieillissement, d’évacuer le stress et de concourir efficacement aux soins de son diabète sont d’importants leviers pour susciter l’envie et le plaisir de débuter ou de reprendre une activité physique. Précautions et contre-indication à l’activité physique Avant de débuter une activité physique chez un patient diabétique, il est nécessaire d’évaluer son risque cardiovasculaire. Chez les femmes, ce risque est globalement inférieur à celui des hommes mais beaucoup plus élevé que celui des femmes non diabétiques. Une consultation en cardiologie est souvent nécessaire afin de déterminer l’opportunité de réaliser des explorations complémentaires de dépistage d’une coronaropathie silencieuse. La réalisation d’un score calcique coronaire peut être utile puisque l’absence de calcification coronaire rend très improbable la présence de plaque d’athérosclérose, y compris de plaques instables. En revanche, un score calcique très élevé est associé à un risque d’événement cardiovasculaire au cours des 2 à 5 années qui suivent. Dans ce cas, une activité physique intense doit être déconseillée avant la réalisation d’autres examens, voire d’une coronarographie. L’existence d’une rétinopathie proliférative instable constitue une contre-indication en raison du risque de décollement de rétine et d’hémorragies. En revanche, la présence d’une rétinopathie traitée ne doit pas décourager la pratique de l’activité physique. Une neuropathie autonome sévère expose le patient à des phénomènes d’hypotension, ce qui nécessite une adaptation des exercices. La gradation du pied est nécessaire et doit conduire à des conseils de chaussage dès que le grade est  1. Pour les patients traités par insuline ou par sulfamides une éducation thérapeutique est indispensable afin de mettre en place des mesures visant à limiter les risques d’hypoglycémie, d’autant que l’exercice peut masquer les signes d’alerte d’un malaise comme l’apparition de sueurs ou d’une asthénie. Ces hypoglycémies peuvent être retardées par rapport à l’exercice physique en raison de la reconstitution des réserves musculaires de glycogène à partir du glucose sanguin. Une surveillance des glycémies capillaires est donc impérative chez les patients traités par de l’insuline ou des sulfamides et doit conduire à la prise éventuelle d’une collation si la glycémie avant le début de l’exercice est < 1,20 g/l. Une glycémie > 3 g/l doit être corrigée avant l’activité physique et celle-ci doit être différée s’il existe une acétonémie. Dans la mesure du possible, l’activité physique doit être programmée de façon à diminuer le bolus d’insuline rapide de 30 à 50 % lors du repas précédent à condition qu’il se situe moins de 3 heures avant la pratique sportive. Si l’activité physique se déroule plus de 3 heures après le repas, c’est le bolus du repas suivant qui doit être réduit dans les mêmes proportions. Chez les patients sous pompe, il est nécessaire de passer en débit de base temporaire diminué d’au moins 50 % pendant l’activité physique et les 2 heures suivantes. Mise en œuvre pratique La question de l’activité physique doit être intégrée dans le suivi du patient diabétique au même titre que la diététique et la consommation de tabac, la surveillance des pieds, du poids, de la pression artérielle et de l’HbA1c. L’adhésion du patient à une activité physique nécessite d’évaluer son niveau de pratique, de préciser ses craintes, de clarifier l’image du sport et de valoriser les effets bénéfiques attendus. Le sujet doit être informé des risques d’hypoglycémie et de l’importance de l’alimentation. Le type d’activité physique doit être progressive, sélectionnée, adaptée à la situation du patient et faire l’objet d’une décision partagée. La poursuite dans le temps et la régularité de l’activité physique sont essentielles. Pour parvenir à cet objectif, l’activité en famille ou en groupe mérite d’être privilégiée afin de promouvoir la convivialité. L’intensité de l’activité physique doit être raisonnable, tout particulièrement chez les patients peu entraînés. Un repère utile est pour la personne de pouvoir continuer à parler lors de l’exercice et de contrôler son pouls en se basant comme repères sur la fréquence cardiaque maximale (FCM = 220 moins l’âge) et la fréquence cardiaque d’entraînement : FCE = FCR (fréquence cardiaque de repos) + 0,6 (FCM moins FCR). L’activité en endurance d’intensité modérée (3 à 6 MET) doit idéalement être d’une durée de 2 heures 30 par semaine et s’associer à des activités contre résistance de renforcement musculaire au rythme de 2 à 3 séances hebdomadaires. Celles-ci peuvent consister en la répétition d’exercices impliquant une charge ou le poids du corps comme le maniement d’haltères ou de bouteilles d’eau, des flexions des quadriceps ou des abdominaux et le soulèvement sur la pointe de pieds ou les steps. Dans la vie de tous les jours, une amélioration du niveau d’activité physique peut simplement se baser sur la modification du mode des déplacements en privilégiant la marche, le vélo ou la montée à pied des escaliers. La mise en place plus intensive de l’activité physique peut s’appuyer sur des moyens humains comme l’intervention d’un éducateur sportif, l’association à des réseaux ou à des clubs, renforcés par un accompagnement motivationnel. Les possibilités matérielles telles que les modules d’accompagnement sur Internet, les cardio-fréquencemètres ou les podomètres sont également très utiles. Les podomètres, notamment disponibles sur une application Smartphone, permettent d’évaluer le nombre de pas lors des activités quotidiennes et de fixer des microobjectifs réalistes. Une faible activité va de 0 à 3 000 pas/jour, un premier stade se situe à 6 000 pas/jour et 10 000 pas/jour est l’objectif final. En cas d’échec au bout de 6 mois à 1 an, il peut s’avérer nécessaire d’orienter le patient vers un programme adapté de réseaux de santé ou vers une association sport-santé. Les précautions matérielles La pratique de l’activité physique nécessite un minimum de précautions. Parmi celles-ci, le port de chaussures adaptées et les soins quotidiens des pieds sont indispensables. Au cours de l’effort, une hydratation correcte, la surveillance régulière de la fréquence cardiaque et le contrôle de la glycémie capillaire sont incontournables. Le FreeStyle libre facilite de façon déterminante le contrôle glycémique chez les patients diabétiques de type 1 ou de type 2 traités par au moins 3 injections d’insuline quotidiennes ou porteurs d’une pompe. Avant de débuter l’activité, le patient doit s’assurer de disposer de boissons, de morceaux de sucre et de glucides à index glycémique bas. À l’évidence, la sécurité est d’éviter de pratiquer seul une activité physique, surtout si elle est intense, et de disposer d’un téléphone portable pour éventuellement alerter les secours. Conclusion Toutes les mesures portant sur la diététique et l’activité physique sont efficaces et constituent le préalable indispensable à tout traitement médicamenteux chez les patients diabétiques. Malheureusement, pour beaucoup de personnes, elles constituent une modification du mode de vie qui n’est pas toujours facile à accepter et à observer sur le long terme. Les consultations régulières de suivi, en évitant de dire simplement « bougez plus », sont l’occasion de revoir ces principes dans le cadre de l’éducation thérapeutique. Les recommandations de la SFD (Société francophone du diabète) publiées en 2013 ont repris les données des études pour synthétiser les résultats que l’on peut attendre de l’activité physique et pour formaliser sa mise en œuvre chez les patients diabétiques(9). La dimension psychologique portant sur le plaisir, la lutte contre l’isolement, l’effet antidépresseur et l’estime de soi constituent des leviers très utiles pour la mise en place d’activité physique qui est déterminante sur l’amélioration globale de la santé, en particulier des patients diabétiques. Publié dans Diabétologie Pratique

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